• 17 décembre 2025 > 18 décembre 2025
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  • MSH Ange Guépin
    5 allée Jacques Berque
    44000 Nantes

Grammaires de l’esclavage dans les sociétés pré-contemporaines (Antiquité-Temps modernes)


Organisateurs : António DE ALMEIDA MENDES et Jérôme WILGAUX

Présentation :

Qu’est-ce qu’être esclave ? Vaste question, à laquelle l’historiographie n’a cessé de chercher à répondre. Les supposées déficiences serviles, que celles-ci concernent leur âme et leurs qualités morales et intellectuelles, leur capacité à faire usage de la parole ainsi qu'à distinguer le bien du mal ou le juste de l'injuste – autant d'éléments distinctifs de l’homme en face de tous les autres animaux – sont présentes dans les discours de l’Antiquité aux Temps Modernes.

Alors que l’historiographie dominante des études sur l’esclavage met de son côté l’accent sur les processus de déshumanisation, de marchandisation des corps et de « mort sociale », qui seraient des caractéristiques des sociétés coloniales et esclavagistes, ces journées d’étude entendent déplacer le regard. Il s’agit d’insister sur l’expérience servile et sur les conditions de vie, au quotidien, des esclaves au sein des sociétés urbaines et familiales, juridiquement et politiquement structurées.

L’examen des différents lexiques en usage dans le monde antique, dans les sociétés arabo-musulmanes, européennes et ouest-africaines médiévales et modernes, ouvre la voie à une autre définition de la figure de l’esclave : non pas seulement comme une marchandise ou un étranger, mais aussi comme celui qui habite la maison d’un maître, fait partie d’une famille, d’un quartier ou d’une paroisse. Dans la plupart des cas, rien ne distingue la condition de l’esclave du domestique ou du serviteur. Le vocabulaire construit ici une généalogie des différences et des exclusions quant à l’accès à la naturalité, à l’émancipation, à l’exercice de métiers ou à l’assignation à des fonctions mécaniques déterminées par une ascendance. Le lexique hiérarchise et discrimine, autant qu’il permet aussi à l’« autre » — le barbare, l’étranger, le païen (gentio) introduit dans un nouveau territoire comme propriété — de renaître, d’intégrer la communauté politique et le monde des humains. En Grèce ancienne, par exemple, des termes tels que dmôs, therapôn, threptos… peuvent désigner un esclave, soulignant ainsi son appartenance à une maison, les services rendus, le fait d'avoir grandi en étant nourri auprès de ses maîtres ; dans les sociétés chrétiennes, le baptême de l’esclave marque ce passage symbolique de la mort à la vie, non pas résurrection des corps, mais salut des âmes. Le double sens du mot portugais afilhar, prendre quelqu’un pour esclave, et faire de quelqu’un son filleul ou sa filleule, traduit cette confusion entre les liens de propriété et les lien de parrainage dans les domaines religieux et familial. Les schémas (enfant/adulte) et (esclave/maître) en place dans les sociétés patriarcales ont pu préparer celui de l’évolutionnisme (primitif/civilisé), qui, à partir du XVIIIe siècle, a profondément influencé la définition occidentale de la liberté individuelle.
 

Le programme sera en ligne prochainement sur cette page. 

Mis à jour le 18 novembre 2025.