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Portrait de Gora Dia - doctorant rattaché au laboratoire Espaces et SOciétés (ESO)

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  • Du 03 juin 2024 au 30 juin 2024
    Campus Tertre
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Gora Dia est est un étudiant au cursus remarquable. Pour fêter ses 1 an en France, il partage avec nous son parcours, au Sénégal et en France, son sujet de thèse et ses projets pour l'avenir.

Portrait de Gora Dia

Gora Dia, vous avez intégré l’ESO en 2023 en tant que doctorant. D’où venez-vous ? Quel est votre parcours ?

Je m’appelle Gora Dia, j’ai 32 et je suis Sénégalais. Bon élève, j’ai obtenu mon Brevet de Fin d’Etudes Moyennes (BFEM) major de promo, ce qui m’a permis d’intégrer le Collège d’Enseignements Moyens de Dangalma en 2010. En 2012, je suis entré au lycée Seydina Limamou Laye. Notre classe réunissait les meilleurs élèves de cet établissement d’excellence et y affectait davantage de moyens pour obtenir 100 % de réussite au baccalauréat.
Jeune bachelier en 2013, je suis orienté à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar pour étudier la géographie. Titulaire d’une Licence 3 Géographie humaine en 2016, j’ai ensuite entamé deux Master en parallèle. Un Master en Aménagement et gestion urbaine en Afrique dans la même université, mais également un Master pro en Aménagement, décentralisation et développement territorial à l’École Supérieure d’Économie Appliquée. Ils sont respectivement validés avec une mention TB en 2019 et en 2018.


Vous ne deviez pas vous ennuyer en poursuivant ces deux Master ! Pourquoi ce choix ?

J’ai dû m’organiser pour suivre les cours mais j’ai surtout enchaîné les rédactions des deux mémoires ! En réalité, je souhaitais poursuivre ma formation académique à l’université mais je voulais lui donner un sens pratique. Et puis c’était plus prudent pour m’insérer dans le monde professionnel, même si cela a été difficile.


Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?

En 2019, malgré mes deux diplômes, je n’ai pu intégrer ni bureau d’études ni collectivité. J’ai alors rejoint deux associations de jeunes dans des communes rurales. Je m’y suis investi en tant que secrétaire général et consultant pour donner des conférences gratuites afin de conscientiser les jeunes et les femmes au processus de développement. Puis j’ai intégré l’École Doctoral ETHOS à Dakar en 2021, mais je me suis rendu compte que les conditions matérielles et financières ne me permettaient pas de réussir le Doctorat.
En 2022, j’ai pu rejoindre l’Université Alioune Diop de Bambey où je continue d’enseigner la gouvernance territoriale - à distance - en tant qu’enseignant vacataire. Bien sûr, c’est précaire comme emploi, mais cela me plaît beaucoup et c’est une expérience estimable pour mon projet !


Vous voulez parler de votre thèse ? Pourquoi avoir choisi de la faire en France ?

Honnêtement, c’est avant tout pour des questions pratiques. Au Sénégal comme en France, pour faire de la recherche, il faut se documenter avec de la littérature spécialisée. La différence c’est qu’au Sénégal, l’accès aux ouvrages est très difficile. Le plus souvent, il faut les faire venir de France, à des prix exorbitants. Souvent, pour un seul livre, il faut débourser près de 100 euros, sans compter l’attente pour la livraison qui prend en moyenne un mois !
Je suis donc ici pour des questions pratiques mais une fois ma thèse en poche, je souhaite retourner au Sénégal en tant que Maître de conférences par exemple. J’aspire à enseigner depuis longtemps déjà et c’est une façon pour moi de rendre à mon pays ce qu’il m’a apporté et de contribuer, à ma façon à son développement.


D’où vous vient cette passion de l‘enseignement ?

J’ai été élevé par mes grands-parents à Dangalma, dans le département de Bambey. Au Sénégal, c’est assez fréquent de confier l’éducation des enfants aux grands-parents parce qu’ils ont plus de recul, de sagesse. C’est d’eux que je tiens des valeurs qui me sont chères : la fierté et l’honneur.
J’ai été élevé avec une certaine rigueur, en particulier pour suivre les enseignements. C’est peut-être pour cela que j’étais ce qu’on appelle un « bon élève ». Mais ce n’est que plus tard, à la majorité je crois, que l’enseignement est devenu une passion.


Vous avez d’abord réalisé un stage de recherche au sein de l’UMR Espaces et SOciétés (ESO) sur le site d’Angers. Comment ça s’est passé ?

Franchement, j’ai eu beaucoup de chance car depuis mon arrivée j’ai toujours été très bien accueilli. D’abord par Aude Nuscia Taibi, ma responsable de stage à Angers, qui m’a accompagné sur le plan scientifique mais qui a aussi veillé à mon insertion et aux aspects matériels comme le voyage, jusqu’à mon inscription à Nantes. C’est elle qui m’a mis en lien avec Christine Margetic ma directrice de thèse qui est formidable.
Ce stage de recherche à Angers m’a en quelque sorte servi d’année préparatoire pour ma thèse. J’ai beaucoup lu, j’ai pu poser le diagnostic et l’état des lieux. A présent, il me faut réaliser mon premier terrain : réaliser des entretiens, des questionnaires, des focus groups, pour recueillir de la donnée. C’est l’objet de mon prochain voyage au Sénégal, du 20 août au 20 octobre prochain.


Quel est l’intitulé de votre thèse ? Pourriez-vous nous l’expliquer en quelques phrases ?

Ma thèse est en résonance profonde avec mon projet : rendre à mon pays l’investissement que je lui dois. Aussi, mon sujet de thèse s’intitule « Différenciation territoriales et mutations autour de Bambey dans le centre ouest du vieux bassin arachidier sénégalais. ». Je souhaite accompagner le développement soutenable de la terre qui m’a vu naître et qui m’a nourri, en particulier dans cette zone « éco-géographique » spécialisée dans la culture de la cacahuète.
Cette entrée n’a pas été développée sur le plan national et est très peu abordée au plan international. Je souhaite donc mesurer les différences que l’on peut observer sur des zones qui présentent les mêmes caractéristiques éco-géographiques, climatiques, économiques, sociales… Pourquoi ne se développent-elles pas au même rythme ? Disponibilité des réserves foncières, mutations, aménagements routiers, concentration des services publics et des entreprises, déplacements… Ce sont tous ces paramètres que je vais interroger pour objectiver des réponses.


Comment s’est déroulé votre arrivée en France ? Dans quelles conditions ?

Je suis arrivé en France hors convention et hors bourse, via une mobilité internationale de Campus France. Pour obtenir mon visa étudiant, j’ai dû déposer 7 850 € sur un compte bloqué et faire signer une attestation de virement irrévocable de 615 euros par mois, depuis ce compte, pour bénéficier des ressources nécessaires pour vivre dans des conditions satisfaisantes : payer mon loyer, mes factures, me nourrir…
Ce système permet aussi d’éviter de dépenser trop ou trop vite. Ainsi, à mon arrivée en France, à Angers, j’ai pu vivre dignement même si cela pouvait paraître peu confortable pour mes collègues du labo. Et puis j’ai bénéficié de la CAF, c’est un vrai plus !
Par contre à Nantes, cela a été beaucoup plus difficile… Le marché du logement est tellement tendu... En trop grande difficulté à la rentrée, il m’a fallu retourner à Angers pour me loger. Pendant 3 mois, j’ai alterné covoiturage et car low-cost pour me rendre à l’université. Heureusement, grâce à Gaëlle Hollande de Nantes Université, j’ai fini par trouver un logement à Nantes.


Vous avez quitté votre pays, avez-vous été en perte de repères à votre arrivée ?

Je ne peux pas dire que j’ai eu une perte de repères, d’autant que l’enseignement au Sénégal est encore très influencé par la France… mais ce qui a le plus retenu mon attention à mon arrivée en France, c’est la cigarette. J’ai été choqué de voir autant de fumeurs depuis la sortie de l’aéroport Charles de Gaulle jusqu’à Angers ! Chez nous au Sénégal, fumer c’est très mal vu, voire c’est tabou ! Il y a peu de Sénégalais qui fument et quand c’est le cas, ça se fait en cachette, tandis qu’ici, c’est un peu comme un symbole de liberté !


Pourquoi avoir choisi Nantes ? Connaissiez-vous la ville ?

A l’issue de mon stage de recherche, j’ai eu différentes opportunités dans des laboratoires de Rennes 2 ou du Mans mais j’ai choisi Nantes car j’ai tout de suite eu un bon contact avec Christine Margetic, ma directrice de thèse. Pour ce qui est de la ville, à vrai dire, je ne connaissais pas Nantes avant d’y postuler et j’ai encore tout à y découvrir ! Sans parler de la région… je n’ai pas encore vu la mer !


En devenant doctorant, vous avez rejoint une école doctorale. Quel est son rôle ?

Oui, en tant que doctorant de l’ESO, j’ai rejoint l’école doctorale Sociétés, Temps et Territoires (STT). L’école me permet de bénéficier d’un accompagnement tout au long de ma thèse et de suivre plus de 100 heures de formation. J’ai aussi eu l’occasion de les solliciter pour un financement qui contribue aux dépenses liées à mon premier terrain de recherche au Sénégal.


Que peut-on vous souhaitez pour la rentrée 2024 ?

Mon voyage de terrain de recherche est programmé, j’ai un logement, je partage un bureau avec des collègues exceptionnels… ce qui m’aiderait, c’est un travail dans mon domaine d’étude. Pour parer à mes besoins, je travaille 30 heures par semaine dans un restaurant de la Haie Fouassière mais c’est loin et en horaires décalés… L’idéal serait de décrocher un poste d’enseignant de géographie dans le secondaire par exemple. Est-ce que je peux passer une annonce (rire) ?

Absolument ! Et je crois que le message est passé ! Merci Gora, Je vous souhaite beaucoup de succès dans vos recherches, mais aussi d’apprécier notre belle région !

Mis à jour le 04 juin 2024.
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