Portrait de Nathalie GRANDE - Référente à l'Égalité femmes hommes du pôle Humanités

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  • Du 01 décembre 2023 au 31 décembre 2023
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Nathalie Grande, est enseignante et chercheuse à l’UFR Lettres et Langages. Pour le pôle Humanités, elle est aussi la référente à l’Égalité Femmes-Hommes.

portrait de Nathalie Grande
Pour débuter cet entretien, que pouvez-vous dire sur les résultats de l’enquête de Nantes Université sur les violences sexuelles et sexistes (VSS) qui viennent de paraître ?

Vous savez, l’université n’est pas différente du reste de la société. Cette première enquête révèle donc sans surprise que nos étudiants en général et nos étudiantes en particulier ne sont pas épargné-e-s par les violences sexuelles et sexistes, que ce soit sur le campus, dans les transports ou dans leur vie privée.
Il faut cependant saluer cette première enquête. D’abord, parce qu’elle marque la prise de conscience nécessaire de notre institution et d’autre part, parce qu’elle apporte des données qui permettront de mesurer l’évolution de ces violences.
 

Les VSS vous paraissent-elles différentes des autres violences ?

Les VSS ont un retentissement traumatique très fort. Parce que ce type de violence touche à l’intimité de chacune et chacun, dans son genre, dans son identité, dans son corps, leur effet sur les victimes est décuplé par rapport à d’autres formes de violence. Par exemple juste un mot ou une remarque déplacés, un geste sans atteinte à l’intégrité physique de la victime peuvent engendrer d’énormes souffrances pour cette dernière. C’est pourquoi il faut viser la tolérance zéro dans ce domaine.
Alors ne parlons des conséquences des actes les plus graves, du harcèlement ou des agressions sexuelles !
 

Selon vous, quel rôle peut jouer l’Université pour lutter contre ces violences ?

Notre université doit offrir à chacune et chacun les meilleures conditions possibles pour réussir ses études et s’y épanouir. Or, ces violences existent sur les lieux de vie universitaires (campus, logements CROUS…) et dans les moments de la vie étudiante (je pense à certaines fêtes d’intégration qui ressemblent encore trop à du bizutage). Les étudiantes et des étudiants victimes de ces violences ne sont pas en capacité de poursuivre sereinement leur cursus. C’est donc toute la communauté universitaire qui doit être mobilisée pour combattre ce type de violence.
 

Les étudiants semblent porter un nouveau regard sur ces questions… Pourquoi ?

Les jeunes étudiantes et étudiants que nous avons aujourd’hui en cours, avaient environ 15 ans lors du déclenchement du mouvement « Me too ». C’est important à souligner, car cette génération ne vit pas les rapports femmes-hommes de la même façon que les étudiantes et étudiants d’il y a seulement 5 ans et encore moins de nous-mêmes, personnels de Nantes Université. Ils et elles ont fait leurs apprentissages sexués, d’identité et de genre, dans un cadre très différent des anciens usages et se sont construit-e-s avec une sensibilité particulière aux questions de genre, à la nécessité de l’égalité, et au respect des identités et des corps.
 

Vous êtes ce que l‘on nomme dans le jargon de la recherche une « Historienne de la littérature ». Depuis quand vous intéressez-vous aux rapports de genre ?

Très tôt, je me suis intéressée aux autrices, en essayant de les faire connaître et reconnaître. J’ai fait ma thèse sur les romancières du 17ème siècle (comme Madame de La Fayette) dans les années 1990, à un moment où les approches de genre n’étaient pas du tout valorisées en France. Depuis 2012 je suis professeure à l’université de Nantes, où j’enseigne la littérature française du 17ème siècle. Cette période a été particulièrement favorable à l’accès des femmes à la culture en général et à l’écriture en particulier, notamment dans un cadre aristocratique élitiste, notamment grâce à ce qui s’appelait la « galanterie ».
 

La galanterie ? Vous plaisantez j’espère !

Eh bien figurez-vous qu’au 17ème siècle, le mot « galant » avait un tout autre sens qu’aujourd’hui ! Issue de la société de cour et de la recherche d’un loisir mondain fondé sur le plaisir partagé, ce mouvement esthétique et éthique valorisait l’art de la politesse, le souci d’un « vivre ensemble » harmonieux, où les femmes avaient leur place dans ce qu’on appellerait aujourd’hui une forme de « soft-power ». Les femmes étaient reconnues pour la sûreté de leur goût, leur manière de parler et d’écrire une langue française simple et raffinée, et leur pouvoir d’organiser autour d’elles des rencontres où la recherche de la sociabilité devenait une règle. Bien sûr, le mot et la chose ont pris une tout autre tournure aujourd’hui…
 

Revenons à Nantes Université. Depuis quand êtes-vous investie sur les questions d’égalité Femmes-Hommes ?

En 2017, j’ai intégré la première Mission Égalité de l’Université de Nantes. Puis j’ai participé à la création du réseau de recherche GENDER qui regroupe plus de 60 scientifiques dans plus de 10 laboratoires de Nantes Université. Dans la nouvelle organisation de Nantes Université, Françoise Le Fichant, vice-présidente à la Responsabilité sociale de l’établissement, m’a sollicitée pour poursuivre cette mission au sein du pôle Humanités.
 

En quoi cela a-t-il encore du sens en 2023 de parler d’égalité ?

Eh bien pas plus tard que ce matin, j’ai encore entendu à la radio un journaliste se féliciter parce que « c’est la première femme à la tête de telle société » ! Il faut arrêter avec ça ! Car finalement, valoriser un statut d’exception ramène à souligner que c’est hors norme, alors qu’au contraire, il faut montrer que non seulement c’est possible, mais que surtout c’est normal ! C’est ça l’égalité ! Et ce qui vaut dans les sphères de l’encadrement vaut aussi dans les secteurs du soin, de l’administration, etc. Notre société a besoin de femmes ingénieures comme elle a besoin d’hommes aides-soignants ! Que tout soit possible pour le monde, que cessent les catégorisations mutilantes, voilà l’ambition de l’égalité. Et on y est pas !
 

Et à Nantes Université ?

Quand on parle égalité femmes-hommes pour le personnel, on s’aperçoit que le compte n’y est pas : dans la progression des carrières et des salaires, dans la répartition équitable des missions, dans la reconnaissance des tâches administratives, ou dans la conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle… Il y a encore beaucoup à faire, d’autant que les évolutions sont très lentes en ce domaine !
 

Pour finir, quel projet le pôle Humanités pourrait-il porter ?

Les réflexions autour du genre sont nées des sciences humaines et sociales. Alors avec ma casquette d’enseignante et de référente à l’égalité femmes-hommes sur le pôle Humanités, je pense que notre pôle est particulièrement bien placé pour porter une réflexion sur ces sujets. Le réseau de recherches GENDER doit pouvoir continuer à entretenir cette dynamique à l’avenir. Mais je pense aussi à l’enseignement. C’est déjà souvent le cas, mais je souhaiterais que toutes les composantes du Pôle aient le souci de proposer des cours où les problématiques de genre soient abordées, de manière à sensibiliser tous les étudiants et toutes les étudiantes à ces questions, en psychologie comme en urbanisme, en histoire de l’art comme en sciences de l’éducation, en italien comme en philosophie, en lettres comme en archéologie. Et pourquoi pas construire une offre interdisciplinaire ? Notre Pôle a en ce domaine tous les moyens nécessaires pour répondre aux attentes du public étudiant, qui rejoignent les attentes de la société civile.
Mis à jour le 17 juillet 2024.
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